Dans moins d'une semaine nous serons " chez nous ". Dès maintenant, nous pourrions nous dire : c'est fini, c'était un beau voyage.
Mais ce n'est pas fini. Qui sait ce que la route nous réserve encore ?
Le voyage continue. Nous voulons le savourer jusqu'à la dernière goutte. Vivre jusqu'au dernier kilomètre le bonheur d'être en chemin...
Lorsqu'on voyage lentement, il n'y a pas d'aller ni de retour, ni de destination. Il n'y a qu'un long ruban, déroulé et inventé jour après jour, semé d'imprévus, de moments uniques, de souvenirs à glaner. Jusqu'à la dernière minute.
C'est où chez nous ?
Nous rentrons chez nous... mais ça veut dire quoi, chez nous ? Nous n'avons jamais quitté notre chez nous ! Nous l'avons emporté dans nos bagages et dans nos pensées !
Chez nous, ce n'est pas seulement un toit et quatre murs. Dans chez nous il y a nous. Un mot qui nous désigne. Chez nous est un assemblage unique de pensées, de choses, de goûts, d'habitudes, d'attitudes. C'est notre bulle, légère et palpable.
Chez nous, c'est là où on se pose le soir. Tout simplement.
Jolis canaux doux
Donc, nous voilà partis pour 300 km, de Saint-Malo à Rouillon en passant par Bruz (au sud de Rennes). On s'est donné 7 jours, ce qui est largement suffisant pour continuer sur le même rythme ralenti que les semaines précédentes. Surtout pas de précipitation !
De Saint-Malo, nous passons directement à Dinard par le bateau qui traverse l'estuaire de la Rance. De là, nous attrapons une voie verte qui nous emmène en pentes douces jusqu'à une suite de canaux, que nous suivrons jusqu'à Bruz. Peu de dénivelé, à part les inévitables petits raidillons qui précèdent les écluses.
Le canal de la Rance, puis celui de l'Ille que nous rejoignons un peu après Tinténiac, sont parmi les plus beaux que nous connaissons. Le chemin de halage est gravillonné mais lisse, sans les désagréables racines que l'on a pu voir ailleurs - canal de Bourgogne par exemple. Les maisons éclusières sont habitées, les écluses sont rénovées, fraîchement repeintes en couleurs harmonieuses Le tracé est sinueux, aéré, tantôt encaissé, tantôt ouvert sur la campagne environnante... on ne s'ennuie pas.
La traversée de Rennes est un bonheur, surtout en comparaison de ce que nous avons connu dans les villes anglaises. Enfin un itinéraire vélo limpide et réfléchi de bout en bout ! Conséquence : il y a des cyclistes ! Conséquence de la conséquence : les automobilistes sont attentifs !
Pause à Bruz
Lundi 25 septembre
Deux jours nous aurons suffi pour rejoindre Bruz. Nous avons un jour d'avance. Du coup, on va rester ici aujourd'hui.
Nous retrouvons notre fille Tiphaine et notre petite fille Yuna... et retrouvons un peu de notre métier de papy-mamie !
Yuna a l'habitude d'aller à l'école à vélo. Alors ce matin, nous l'avons accompagnée, avec Séraphine et Rouletabille ! C'était l'escorte présidentielle sur les trottoirs de Bruz. Elle n'était pas peu fière !
Et puisque le reste de la journée est à nous, nous lançons un message à Ronan, le motard rencontré en Irlande du Nord au mois de juin. Il habite près de Rennes. Avec un peu de chance...
Et ça marche ! Nous nous retrouvons en centre ville pour déjeuner et ... continuer la conversation commencée il y a 3 mois chez Barbara, à Ballycastle !
(Un grand merci, Ronan, pour l'invitation et pour ce bon moment passé ensemble, à parler de ce qui nous passionne et nous rassemble... à la prochaine !)
Lever de soleil à Bruz
En roue libre vers... chez nous ?
Mardi 26 et mercredi 27 septembre
Entre Bruz et Rouillon, nous retrouvons plus ou moins l'itinéraire de l'aller... sauf que nous allons mettre 4 jours au lieu de 2 !
Pas pressés de rentrer... l'envie de pédaler est encore intacte. Les petites routes d'Ille-et-Villaine puis de Mayenne sont calmes, plus aérées que les mini-routes anglaises.
Et les enchaînements de montées-descentes ne nous font plus peur. Les pentes sont plus douces que sur les routes irlandaises. On se laisse aller dans les descentes. C'est presque plus agréable que les longs kilomètres tout plats le long des canaux, où il faut sans arrêt pédaler.
A La Selle-Guerchaise, nous faisons étape dans un petit camping municipal comme on les adore... Plus de vacanciers en ce moment, mais plusieurs caravanes sont occupées à l'année par des ouvriers qui travaillent en 2x8 aux abattoirs de La Guerche-de-Bretagne.
Bien sûr, il n'y a pas de réception, pas de tirelire où mettre l'argent. Il y a un numéro à appeler, mais pas avant 20 heures. Donc on s'installe.
Et puis un petit monsieur s'approche, tout timide - appelons-le Anatole. Il tourne un peu en rond, puis finit par nous dire qu'il habite le camping et qu'il fait fonction de gardien. Nous lui donnons 11,22 € (les 0,22 €, c'est pour la taxe de séjour). Anatole reste un peu, nous observe en train de poser la tente, puis s'en va sans rien dire.
Il revient un peu plus tard et nous raconte l'histoire de la " pagode chinoise ", l'attraction touristique du village. Il nous montre le chemin pour y aller, puis s'en va, puis revient et repasse devant chez nous, en jetant quelques coups d'œil furtifs...
Une dame voit nos vélos et vient discuter. Elle et son compagnon ont quitté maison et appartement. Ils ont décidé de s'installer ici à l'année, dans une caravane. Pas d'entretien, pas de taxes foncières, pas de pelouse à tondre, pas de factures d'électricité... Et on a vu les tarifs : 2400 €... à l'année ! Bon plan, pour qui est capable d'assumer ce choix...
Il n'est pas tard. On se décide à aller voir la pagode chinoise. Et là qui arrive ? Anatole, qui dit : " je vous accompagne "...
Nous finissons par comprendre qu'Anatole vit seul ici, avec peu de moyens, sans doute missionné pour entretenir le camping en contrepartie de son logement. En tout cas, il semblait content d'avoir passé un petit moment avec des vrais touristes, plutôt rares par ici...
Pagode " chinoise " à La Selle-Guerchaise (unique en Europe).
Ramenée du Vietnam en 1875 par un missionnaire qui l'a transformée en chapelle catholique. Merci Anatole ! Sans lui nous serions passé à coté.
Le lendemain soir, à Villiers-Charlemagne, nous retrouvons le camping où nous avions passé la première nuit de notre voyage, au mois de mai. Ici aussi, le camping est ouvert à l'année et des chalets sont occupés par des ouvriers. C'est sûrement un peu plus cher, mais sans doute encore assez intéressant. Une solution pour que tout le salaire ne passe pas dans le logement.
Nous l'avons trouvé plus confortable qu'à l'aller. Sans doute les 80 nuits passées dehors ont-elles influencé notre jugement...
Arrêt au musée Robert Tatin à Cossé-le-Vivien. Étrange artiste, plus complexe qu'il n'y parait. Une visite plus approfondie s'impose. On reviendra.
Mézeray, village-(dernière-)étape
Jeudi 28 septembre
Pour notre dernière étape, nous sommes accueillis par Daniel et Huguette, à Mézeray... comme l'an dernier !
Ça devient une habitude... tous les chemins mènent à Mézeray !
Une fois de plus, le temps se dilate et se contracte. Nous arrivons comme si nous étions en ballade dominicale, comme si on s'était vu la semaine dernière. Nous devrions être émus de retrouver nos amis après une si longue absence. Nous ne le sommes pas. Tout est normal. Le temps nous joue des tours...
Bien sûr, on cause vélo, et surtout voyage ! Daniel et Huguette sont eux aussi de grands voyageurs, plutôt spécialistes des pays hispanophones (Huguette est professeure d'espagnol). Béatrice et Daniel comparent leurs carnets d'aquarelles, la soirée se prolonge...
Vendredi 29 septembre
Plus que 30 kilomètres, d'un trajet que nous connaissons presque par coeur. Même en n'allant pas vite, nous ne pourrons pas faire autrement que d'arriver à Rouillon aujourd'hui.
Des amis cyclistes sont venus à notre rencontre. Merci à eux d'avoir " adouci " ce moment particulier du retour, de l'avoir rendu indolore, presque désirable.
Rouillon, dans zéro kilomètres...
Notre maison nous attend. Nous ouvrons les portes et les volets, comme si nous les avions fermés hier, comme si nous n'étions jamais partis... Espièglerie du temps, encore.
Séraphine et Rouletabille sont oubliés dans le garage, les sacoches mêmes pas démontées. Ce week-end, il y a une compétition de trial au Mans et demain soir la maison sera pleine. La semaine prochaine nous partons à Annecy (en train...) voir notre petit-fils Léopold. Demain matin nous irons au marché (à vélo), comme tous les samedis...
Déjà la vie sédentaire reprend sa place, avec tout son répertoire d'obligations, de choses à faire, à planifier, à prévoir. Toute cette gestion du quotidien qui nous absorbe et consume notre temps.
En voyage, le temps nous appartient. Nous vivons dans le présent. Une vie choisie, simplifiée, et libre !
Mais sitôt rentrés le futur nous rattrape. A la maison l'avenir reprend ses droits.
Et pourtant, pas de gorge serrée, pas de regrets, pas d'émotion. C'est bizarre.
On a peut-être une explication : Lorsque nous étions en activité, la fin d'un voyage correspondait exactement à la fin des vacances. Le retour dans la vie active était brutal, impitoyable. Maintenant, rien ne nous empêche de continuer à étirer le temps, à ne pas faire aujourd'hui ce qui peut être fait demain. Rien ne nous oblige à changer de rythme. Plus de rupture. Le retour est indolore.
Je lis à retardement (comme d'habitude!) les propos d'Alain avec cette belle écriture qui raconte ce que parfois on n'ose se dire de visu... Ce fut un réel plaisir (voire une émotion partagée) d'aller à votre rencontre, de vous revoir en forme et souriants avec tout ce "bagage" vécu. J'ai une pointe d'envie, mais je sais qu'un tel voyage demande beaucoup d'investissement (au sens figuré), d'ouverture et parfois de tolérance ...
RépondreSupprimerJe pense que, pour certains, l'arrêt d'une vie professionnelle doit s'accompagner de nouveaux projets. J'ai terminé vendredi ma deuxième semaine de formation à l'Ecole de Décor Peint... un nouvel univers !
Pour comprendre mon enthousiasme il faut lire le roman "le monde à portée de main" de Marrylis Karengal.
❤️❤️ merci merci. Nicole et Jón
RépondreSupprimerBravo les jeunes pour ce que vous avez vécu et pour ce que vous nous avez fait vivre. Aussi je vous souhaite d'avoir trouvé ce que vous étiez aller chercher là-haut... sinon il va falloir remettre ça !
RépondreSupprimerGros bisou à vous deux !
Jacques