08 - Merci Michel !


Collines landes nues
Moutons cailloux poilus
Lopins murés de pierre
Maigres pâtures tourbières
Tourbe sèche à brûler
Rubans gris ondulés
Estuaires aux eaux brunies
Soleil et brume et pluie
Dans l'entrelacs des lacs
L'homme tranquille est là
Il a posé son sac
Dans le Connemara 



Si je vous dis Michel Sardou, aussitôt vous pensez ? Les lacs du Connemara, bien sûr !

Na, na-na, na-na,  na-na-na-na-na, na-na, na-na, na-na-na-na-na, na-na, na-na, na-na-na-na-naaaaaa... Vous l'avez reconnu ? Ça y'est ? Vous l'avez ? Ne me remerciez pas. Passez une bonne journée !

Ce refrain entêtant ne me quitte plus. Je le fredonne tous les jours. Ça donne du rythme, c'est efficace, et pas que dans le Connemara ! Même Rouletabille a dû s'y faire (le premier jour, sans doute agacé, il m'a désarçonné !)

Tom, notre ami voyageur néo-zélandais nous a dit : " le Connemara, c'est là où vont tous les français ". Il n'a pas tort : chaque année, la moitié des 350000 touristes français y passe (source Wikipedia). Alors merci qui ? Merci Michel !



Vendredi 9 Juin

Nous quittons notre gentil B&B de Rossaveel, l'estomac rempli de white pudding, black pudding, sausage, scrambled egg, toast, marmelade, orange juice, milkcoffee... L'Irish breakfast c'est bon mais pas tous les jours ! Ou alors il ne faut plus rien avaler jusqu'au soir !

Le paysage a changé. Finis les prés, les vaches, les ensilages d'herbe du Clare et du Kerry. Place aux lacs, aux tourbières, aux champs d'herbe drue bordés de pierres, aux moutons sur les routes. Et les monts inquiétants qui s'avancent dans la plaine, au loin.

Jusqu'à Clifden, le vent nous pousse et efface les douces ondulations du terrain. Les descentes sont des tremplins vers les quelques bosses qui s'avalent sans y penser. Nos vélos sont légers. Bonheur cycliste.

Il faut cependant rester méfiants : les cailloux poilus et bariolés sur les bords des routes sont des moutons. Et si maman brebis n'est pas du même coté que son agneau, forcément un des deux va traverser au dernier moment.

La route est quasi déserte. Nous traversons un enchevêtrement de bras de mer, de champs incultes et de lacs aux eaux brunies par la tourbe. Pourtant, la campagne est habitée : fermes, bâtiments agricoles, maisons secondaires éparpillées. Partout, des tas de briques de tourbes, déjà sèches. Il n'a pas plu ici depuis 3 semaines.

Grâce au vent arrière et à la douceur du terrain, nous arrivons tôt à Clifden, la capitale (3000 habitants). Il est encore temps de faire la boucle " Sky road ", recommandée par le... Guide du Routard, bien sûr !

Pas inoubliable, la Sky road. Il est vrai que le temps est en train de virer au gris, et la mer a perdu sa belle couleur azur. C'est peut-être aussi parce qu'on se régale de paysages superbes depuis le premier jour. Serions-nous déjà rassasiés ?

À la fin de la boucle, traquenard : une vilaine rampe à 25% bien cachée entre les haies de fuschia nous cloue sur place. Même la poussette est presqu'impossible. Et une fois ce mur passé, il nous faut encore appuyer fort sur les pédales pour hisser nos lourds vélos sur la route qui monte au camping.

Samedi 10 juin

Ce matin il pleut, pour la première fois depuis notre départ. Un prétexte pour paresser un peu, bien au chaud dans nos duvets, bercés par le clapotis des gouttes sur la tente.

Et en plus, dehors c'est l'horreur : des midges partout !

Leçon de choses : aujourd'hui, les midges.

Ce sont de minuscules insectes volants qui aiment le temps calme, un peu humide, sans vent et sans soleil. On les voit donc principalement le soir et le matin. Elles aiment aussi beaucoup la chair fraîche, et quand les conditions sont réunies, c'est par escadrilles entières qu'elles vous tombent dessus. C'est comme si vous étiez piqués par des centaines de moustiques à la fois. Pour s'en protéger, il faut se couvrir des pieds à la tête, sans oublier les mains, et ne pas rester immobile. 

Fin de la leçon. Fermez vos cahiers.

Nous connaissions déjà les midges écossaises et norvégiennes, voici donc maintenant les irlandaises...

Il faudra pourtant sortir de la tente un jour... 

Zip ! On fonce jusqu'à la cuisine commune, poursuivi par un nuage de ces bestioles qui apparemment n'en veulent qu'à moi. Rien sur Béatrice, tout pour moi. Je suis sa protection anti-midges...

Après avoir bien discuté avec les autres cyclistes de passage, il est onze heures quand nous nous décidons à partir. La pluie a cessé mais le temps semble détraqué pour un bon moment. Disons plutôt que le temps est redevenu normal...

On se met en route, d'abord sur la nationale, puis on tourne à gauche sur une petite route qui fait un grand détour dans la plaine côtière. C'est presque plat. Il n'y a plus rien. Plus de villages. Que des maisons isolées et des fermes. Et bien sûr tourbières et moutons poilus. Peu de circulation. Les touristes sont restés sur la grande route. Cette mini-route à la limite du chemin de ferme a peut-être doublé la distance, mais elle a décuplé le plaisir !

10/06/2023 - Connemara - tourbe en séchage

Asphalte bien lisse et tout neuf.
Le panneau dit que les travaux ne sont pas terminés.
Eh ben moi j'dis : touchez plus à rien !





Mordor ?

Le paysage austère, le temps sombre, les petits crachins de temps en temps, les montagnes grises couronnées de brume... et toujours ces alternances de lacs et de tourbières... Quelles sensations ! Un décor de Seigneur des Anneaux. Je pédale dans un livre ouvert. Je suis Frodon, qui s'enfonce dans le Mordor ! 

ou non, tiens : La maison Usher plutôt ?

Et oui, à vélo l'esprit s'évade...

Seules les haies de rhododendrons viennent égayer le tableau. Il y en a partout. Elles ont remplacé les fuschias du Kerry et du Clare.

11/06/2023 - Haies bordées de rhododendrons

La route monte par à-coups, comme un escalier géant interminable. On est maintenant habitués : monter (beaucoup) au pas et descendre (un peu) au galop est devenu notre normalité.

Nous redescendons dans Killary fjord, qui marque la limite nord de la région du Connemara. De l'autre coté du fjord, notre route bifurque et s'élève doucement entre deux austères montagnes.

Nous comptions nous arrêter à 8km dans une sorte de village vacances, mais il ne reste que des chambres à 350 euros... On n'est pas fatigués au point de mériter une nuit dans un palace. Alors on décide de pousser jusqu'à Westport. Il est tard, mais tant pis. On signe pour 25km supplémentaires, dont un col à passer (Sheefrey Pass). 




Dans ces cas là, chacun se met dans sa bulle, prend son rythme et attend que ça se passe. Au début, la petite route remonte doucement le long d'un torrent. Le temps de savourer le paysage figé, la lumière qui baisse, le silence qui descend...  Puis, alors que nous croyons le sommet arrivé, la route quitte la vallée et s'élève brusquement. Il faut pousser à fond sur les pédales, le dos arc-bouté sur le siège, les bras crispés sur le guidon, et rester concentré pour ne pas mettre pied à terre. 

Arrive le sommet, puis la descente vertigineuse est bientôt avalée. Il nous faudra encore une petite heure de route ondulante avant d'arriver à Westport. Il est presque 20h30 quand nous installons la tente. 

85 km et 900 mètres de dénivelé. Ça ira pour aujourd'hui.

Récap

  • mercredi 07 juin - 5 km - Doolin - Kilronan (Aran islands)
  • jeudi 08 juin - 32 km - Kilronan (Aran islands) - Rossaveel
  • vendredi 09 juin - 75 km - Rossaveel - Clifden
  • samedi 10 juin - 85 km - Clifden - Westport
1105 km.


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Commentaires

  1. C’est un vrai plaisir de voyager au travers de votre carnet ! 👍
    Bonne route…
    Ronan

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  2. Pour l'instant j'ai réussi à ne pas avoir la chanson en boucle... Certainement grâce au récit de vos deux étapes qui m'a vite absorbée ! Magnifique, merci !
    LN

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  3. Enfin l'Irlande et ses ciels tourmentés, ce soleil c'était trop ... merci merci pour tes récits qui excitent notre mémoire.
    Belle route ..
    Sylvie et Gérard

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  4. Mais non, Sauron n'aura pas votre peau... trop motivés que vous êtes !!
    Jacques

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