09 - Mayo humide


Bon. Je sais, c'était facile...

Mais c'est pour dire que nous sommes à présent dans le comté de Mayo et que le temps s'accorde avec les paysages de montagne que nous traversons : mélange de brumes, d'éclaircies, de crachins et d'averses, pouvant finir en orage le soir.

Un temps normal, quoi...

Quoique pour l'instant nous passons à peu près entre les gouttes, et le vent est gentil avec nous. De toute façon on fait avec le temps qu'il fait... Et on n'oublie pas qu'on vient de passer plus de 2 semaines sans une goutte de pluie !


Dimanche 11 juin

À partir de Westport, l'EV1 emprunte une voie verte " de classe internationale " dit le dépliant touristique. Et en effet tout y est : pentes douces, larges courbes, bon revêtement, fermé aux voitures... Seuls les " stop " à chaque sortie de garage font un peu tâche. Ils sont sans doute là pour faire passer la pilule aux propriétaires des élégants cottages qui bordent la piste... Et aussi pour savoir qui aura tort en cas d'accident (les vélos bien sûr...). Heureusement, les conducteurs irlandais sont largement moins bêtes que la réglementation !

Le Guide du Routard, lui, nous déconseille cet itinéraire. Il trouve que ça monte un peu trop fort pour une voie verte. Le vélo c'est pas son truc...

Problème : dans Westport les indications sont fantaisistes, et une rocade est en construction. Du coup les accès à la fameuse voie verte sont perturbés. Et ici, quand une route est fermée pour travaux, elle est fermée. On ne peut pas jouer à " on y va quand même " comme on fait chez nous. 

Même la sortie du camping est compliquée. Nous tournons et retournons dans tous les sens dans la ville, à la recherche de la greenway. Au bout d'une heure de détours, de montées impossibles, de plongées aussi courtes que vertigineuses, de pistes interrompues, de déviations mal indiquées, je vois un panneau : camping 500 mètres. Argh ! On a fait presque 10 Km pour rien.

Il est 11 heures, nous sommes enfin la greenway. C'est dimanche et on croise quelques cyclistes locaux manifestement pas très experimentés. Il y'a aussi quelques bike packers qui vont jusqu'à Achill Island. 

Bike packers : cyclistes qui voyagent sur des vélos de route très légers, avec très peu de bagages, accrochés partout sur le vélo. Bonne formule quand le terrain n'est pas plat et que le confort n'est pas la priorité.


À Mulranny, nous tournons à angle droit et nous quittons la jolie voie verte. Fin de la promenade tranquille ? Non car pour une fois l'itinéraire de l'EV1 épargne nos cuisses : les pentes modérées, la quiétude dominicale, la chaleur douce... Tout va bien !

Évidemment, dans ce coin à l'écart des spots touristiques, pas de camping. Et en plus on est dimanche. Le prochain B&B est à Bangor Erris, un petit village perdu au croisement de deux routes. Nous irons jusque là. Encore une étape plus longue que prévue...


La belle greenway de Westport à Achill Island

Séraphine et les rhododendrons

B&B " Hillside " à Bangor Erris.
Evelyn nous a arrangé l'étape du lendemain chez Barbara

Lundi 12 juin

L'étape d'aujourd'hui (Bangor Erris - Ballycastle) est beaucoup plus éprouvante. Et plus nous montons vers le nord, plus les plis du terrain se rapprochent et gagnent en amplitude. Les grimpettes de plus en plus raides succèdent aux grimpettes... Et tout cela pour rien puisqu'à la fin de la journée nous nous retrouvons presque toujours au niveau de la mer.

Les paysages du comté de Mayo valent bien ceux du Kerry ou du Connemara, mais ils n'ont plus la même saveur. Toujours monter / descendre / monter / descendre. On dirait qu'une certaine lassitude s'installe...

Heureusement il y a les irlandais, si chaleureux et naturels ! Pas de journée sans taper la discute au moins une fois...

Dans les commerces, le sourire et le petit mot gentil sont naturels. On se sent toujours bien. On n'a jamais l'impression de déranger. 

Il y a aussi quelques touristes en camping-car, qui nous suivent involontairement, grâce à nos vélos si reconnaissables : Hé, mais c'est vous qu'on a vu à Dingle il y a 10 jours ? - c'est probable, des comme nous y'en a pas d'autres - Et vous avez fait toute la route à vélo  ? - Ben oui - Et c'est des vélos électriques ? - Ben non. 

Ces petits moments de gloire (et de fierté) nous remontent le moral... Même si nous passons pour des extra-terrestres.

Parce que oui, la route est dure, mais jamais au point de se demander ce qu'on fait là.

Et quand c'est dur, la plus petite récompense - un panorama, une pause-café dans une supérette accueillante, une soudaine éclaircie, une odeur printanière, une rencontre, un signe d'encouragement - devient un trésor. 

L'effort consenti nous apprend à savourer le moindre petit bonheur...

Ce soir nous dormons au B&B " Hillcrest ", à Ballycastle. C'est Evelyn, du B&B de Bangor Erris qui nous a arrangé le coup - Encore un B&B - on y prend goût ! C'est une petite ferme toute modeste, mais avec une vue splendide sur Downpatrick Head. Et Barbara est adorable. On se sent bien ici.

En fait, on se sent bien partout en Irlande...

Nous faisons la connaissance de Ronan, qui voyage seul à moto. Il habite Saint-Grégoire près de Rennes. On a des tas de choses à se dire... Rendez-vous est pris en septembre, quand nous serons sur le chemin du retour !


C'est les moutons qui vont être contents !

Plus y'a de chiffres sur le panneau, plus la route est petite, pentue et déserte

" Ici on parle d'abord le Gaélique "

Mardi 13 juin

Petite étape aujourd'hui. La fatigue s'installe...

Mais aujourd'hui est un jour spécial : nous avons un direct à 13h30 avec l'EHPAD où est ma maman. Nous avons arrangé cela avant notre départ et c'est au programme des animations.

Nous nous posons dans les ruines d'une abbaye (Moyne Abbey). Il y a du réseau, tout va bien.

A l'heure dite la connexion est établie. Nous bavardons, nous répondons aux questions des résidents, et nous faisons la visite virtuelle de l'abbaye. Tout le monde semble content (malheureusement il n'y a pas de caméra à l'autre bout, coté résidence).

Le prochain direct sera le 18 juillet, depuis l'Islande.

Moyne Abbey



Ramassage de la tourbe

Mercredi 14 juin

Nous passons Inishcrone, une station balnéaire un peu tombée du ciel, avec ses grands hôtels et ses golfes dans les dunes. On préfère s'arrêter un petit peu plus loin pour une pause café au calme, dans l'arrière-boutique d'un convenience store.

Les convenience stores, c'est comme les dépanneurs au Québec ou les Konbini au japon : on y trouve de tout, on peut s'y asseoir et manger à toute heure, il y a des toilettes, et presque toujours un distributeur d'argent. Et en plus l'accueil est sans histoires. Jamais de problème. Très pratique pour les voyageurs comme nous qui ne peuvent pas se charger beaucoup.

Il y a aussi les local stores ou les village shops. Tout petit et pas beaucoup de choix, mais on est bien content de les trouver, ouverts du matin au soir, jusque dans les plus petits villages.

Se ravitailler ici n'est jamais un problème.

Après Inishcrone, nous quittons la côte. La petite route est bosselée, monotone, cachée dans une forêt de pins chétifs qui nous enferme. Insensiblement, par paliers successifs, elle s'élève. Et quand le paysage s'éclaircit enfin, on se retrouve en pleine montagne, entre deux crêtes dénudées : nous sommes dans les Ox Mountains. Des sommets à 400 mètres, mais un paysage de lacs, de torrents et d'alpages, comme si on était à 2000 mètres, au dessus de la limite des sapins. 

Et on n'a rien vu venir... C'est ça qui est chouette !


14/06/2023 - Mass Rock, près du lac Talt. Lieu sacré et secret pendant la période où le catholicisme était interdit (17ème siècle) - entre Ballina et Sligo



Le Lough Talt, dans les Ox Mountains

Ox Mountains

Mais la fatigue s'accumule. Il est à peine 15 heures quand nous passons devant un glamping et décidons de nous y arrêter. Il est un peu tôt mais tant pis.

Un glamping, c'est un hébergement style camping, avec des petites huttes en bois, plus ou moins bien équipées selon les cas. 

Ici, cela ressemble plutôt à un camping à la ferme. Il n'y a que 5 hébergements, tous différents et très originaux : un bateau, un vieux bus anglais, une maison dans un arbre... 



Pas d'internet ici, ni de 4G, ni de 3G, ni de Edge, rien.


Seul hic : c'est quand même 125 euros la nuit... Nous demandons si nous pouvons simplement camper. La réponse est non. Alors nous demandons à remplir nos gourdes, avant de repartir pour s'arrêter un peu plus loin dans la montagne. 

Peu après, le proprietaire revient avec nos gourdes pleines et se ravise : " j'ai aussi un dortoir dans la grange. J'y reçois des groupes mais ce soir il n'y a personne. C'est 50 euros. " En espèces et sans facture... tout le monde est content !

Et nous voilà locataires d'un soir d'une grange équipée de 25 dortoirs sur 3 niveaux, avec sanitaires et tout, pour nous tout seuls. Parfait !


Tente au séchage et affaires étalées : c'est chez nous !

Belle soirée au calme, en compagnie des animaux de la ferme et du border collie qui cherche des compagnons pour jouer à la balle.

Et puis ça nous laisse le temps de réfléchir à la suite. Demain l'EV1 poursuit son grand détour par les Ox Mountains. Nous décidons de tracer au plus court vers Sligo. Une longue et douce descente nous attend demain... Bonne nuit !

Jeudi 15 juin

Comme espéré nous arrivons de bonne heure à Sligo. 

Flashback...

Nous sommes déjà allés en Irlande a vélo, il y a 43 ans. C'était notre premier " grand " voyage...

Sligo était le point le plus au nord atteint cette fois là. Michel Sardou n'avait pas encore chanté le Connemara, mais l'Irlande était déjà une destination prisée pour les faux aventuriers en herbe comme nous...

C'était au mois de septembre. Nous étions étudiants, sans beaucoup d'argent. Nos économies étaient passées dans les billets de ferry, les deux Motobécane à 15 vitesses, les sacoches Peugeot en toile plastifiée, la tente canadienne Raclet et - luxe - deux duvets en vraie plume de canard... 

On se souvient de ces paysages de montagne au niveau de la mer, des centrales électriques fonctionnant à la tourbe, des moutons sur les routes, des vieilles Austin délabrées sur les routes défoncées, du salut fraternel des conducteurs, du pain rustique à la mie verdâtre,  ... et de la gentillesse des irlandais. 

Tout cela existe encore aujourd'hui, sauf les Austin et la mie verdâtre...

Après Sligo, le temps s'était détraqué. Au moindre rayon de soleil nous nous arrêtions pour sécher nos affaires trempées. Mais ces moments étaient de plus en plus rares. Dans nos belles sacoches Peugeot pas étanches, plus rien de sec. Nous abandonnions nos affaires moisies au fur et à mesure. Nous sommes rentrés plus tôt que prévu, en train, vaincus par la pluie. Mais que de souvenirs ! Et une belle expérience !

Revenons en 2023...

De Sligo j'ai gardé le souvenir d'un village un peu endormi, d'un thé bien chaud dans un inn, alors qu'il pleuvait...

Aujourd'hui, c'est une ville animée, avec des voitures partout qui se croisent dans des rues trop étroites. 

On ne reste pas.

Dès la sortie de la ville, revoilà les routes en marche d'escalier : tous les 200 mètres on croit le sommet de la bosse arrivé... Et non. Il y a encore une bosse derrière... Puis une autre... Puis encore une autre. Lassant...

Déjà 60 km au compteur aujourd'hui. Pas de camping sur le trajet de la véloroute, qui fait le tour d'une presqu'ile. Nous décidons de couper par l'intérieur, jusqu'à Bundoran, à 25 km d'ici, où nous espérons trouver de quoi nous loger ce soir. Alors pause-gaufrettes pour se remotiver, et ça repart !

Après encore d'innombrables montées / descentes, nous voilà... au niveau de la mer ! Bundoran est une petite station balnéaire qui sera donc notre étape de ce soir si tout va bien...

Si tout va bien... Oui mais voilà : les campings d'ici sont des villages de mobilhomes enracinés dans du béton. Pas un mètre carré d'herbe ou planter une tente.

Nous demandons à un camping-cariste s'il y a moyen de mettre une tente quelque part. Il ne sait pas. Nous nous apprêtons à faire le plein d'eau et à repartir dans la campagne quand il nous rattrape : allez voir le " Traverse Caravane Park ", je crois qu'il y a un endroit avec de l'herbe. Effectivement, le gardien nous conduit dans une sorte de jardin public au milieu de la ville, qui se trouve être une annexe réservée aux campeurs. Ça ira bien pour ce soir.

Demain, nous entrons dans le Donegal, comté le plus au nord de la république d'Irlande.

Camping dans un ancien jardin public, à Bundoran

Bundoran



Après Sligo

Sligo

Récap

  • dimanche 11 juin - 73 km - Westport - Bangor Erris
  • lundi 12 juin - 76 km - Bangor Erris - Ballycastle
  • mardi 13 juin - 31 km - Ballycastle - Ballina
  • mercredi 14 juin - 45 km - Ballina - Mass hill (Ox mountains)
  • jeudi 15 juin - 89 km - Mass hill (Ox mountains) - Bundoran


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Commentaires

  1. Belle échappée "Glamour" dans les Ox Mountains... merci, on en redemande !
    Jacques

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  2. l'irlande me semble être une bonne préparation pour l'islande, au moins vos cuisses sont prêtes ;)
    Emilie L.

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  3. Bonjour à vous deux,
    A mon retour du Québec, Philippe me fait part de vos aventures. Quel bonheur de vous lire, de voir les paysages en photos et en dessins. Merci de prendre du temps pour partager avec nous.
    Vous m'impressionnez beaucoup, traverser autant d'émotions, allez au bout de ses rêves, rencontrer des gens sympas, ...et surtout garder le moral ! Comment revenir dans le monde "ordinaire" après toute cette aventure? Pour ma part, je prends aussi un tournant avec la fin de ma vie professionnelle et l'aménagement d'un atelier...on en reparlera.
    On vous attend. Prenez soin de vous, Bises
    Céline
    Merci d'ajouter ma nouvelle adresse pour suivre vos aventures : chounetanguay@gmail.com

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