16/06/2023 - Statue en hommage à rory Gallagher - guitariste, chanteur,compositeur
Ballyshannon (Donegal), sa ville natale
Ballyshannon (Donegal), sa ville natale
Donegal bagnole
Depuis quelques jours nous croisons de plus en plus souvent des bagnoles tunées, surbaissées, jantes larges et pot d'échappement sonore à 2 cm du sol... Dedans il y a le conducteur, casquette à l'envers, et sur le siège du passager la cocotte ultra-maquillée, avec faux cils ou mascara, et tout et tout. À croire que c'est vendu avec... (Lol, bien sûr...)
Explication : ce week-end il y a le rallye international du Donegal. Et comme apparemment c'est une affaire sérieuse, le week-end commence dès aujourd'hui vendredi.
Là où ça coince un peu pour nous, c'est que les routes secondaires sont peut-être fermées, ou peut-être pas, sans avertissement, et sans aucune considération pour les usagers que la course automobile ne passionne pas (que nous, en fait...).
Le gardien du camping à Bundoran nous avait prévenu, mais on n'a pas compris tout de suite l'ampleur de l'événement : 172 concurrents, 3 jours de courses, avec 6 spéciales par jour, dans trois sites différents, à travers tout le Donegal...
Pas facile d'y échapper.
On a d'abord essayé de se faire tout petit et de se faufiler. Mais, je le répète, ici quand une route est fermée, elle est fermée. Point. Alors, ne voulant plus risquer de grimper pendant des kilomètres pour finir devant un panneau " road closed ", nous avons décidé de rester sur la nationale.
Et là, autour de Ballyshannon, embouteillage total, à cause de toutes les voitures des spectateurs à la recherche du meilleur emplacement pour regarder passer la course, garées n'importe comment, ou cherchant à se garer n'importe comment.
Navrant...
Comment ne pas penser à tout ce pétrole définitivement parti en fumée, et qui nous manquera quand les robinets d'or noir ne couleront plus à flot.
Tout est question de prise de conscience et de choix...
Parce que oui, un jour il faudra choisir : continuer à s'amuser jusqu'à ce qu'on soit dans le mur, ou adopter volontairement un mode de vie suffisamment sobre pour être durable, avant qu'il ne soit trop tard.
Chacun sans doute à son niveau fait ce qu'il peut. Mais ces petites gouttes d'eau jetées sur l'incendie ne servent à rien tant que notre société profondément productiviste et mondialisée continue d'attiser le feu.
Parfois je me dis qu'en nous restreignant volontairement nous ne faisons que subventionner ceux qui n'acceptent aucune autre limite que la contenance de leur porte-monnaie, qu'ils ne pensent qu'à agrandir encore et toujours.
Plus personne ne nie sérieusement la réalité du réchauffement climatique et son origine humaine. Les petits gestes individuels ne suffiront pas et la technologie ne nous sauvera pas. Une remise en cause du dogme de la croissance est nécessaire, et je veux croire que notre société est prête à l'accepter, si l'effort est équitablement réparti.
Pour cela, il faut une vision, un projet enthousiasmant et le courage politique pour le mettre en oeuvre. Pour l'instant, nous entendons surtout des beaux discours... Dormez, braves gens !
Voilà à quoi je pense tandis que je remonte silencieusement toutes ces files de voitures aux sonorités rauques et aux faciès féroces... Mais à l'arrêt !
Petite revanche de la traction animale...
Il a trop respiré de gaz d'échappement !
Donegal au calme
Après la ville de Donegal, nous avons pu reprendre notre itinéraire à l'écart du rallye et de la nuée de voitures qui l'accompagne.
Et, comme souvent depuis que nous sommes en Irlande, la réponse à la question " où dort-on ce soir ? " ne vient pas immédiatement : ni campings, ni hôtels, ni B&B à notre portée dans cette tranquille campagne.
Mais cette fois, on ne se laisse pas prendre par l'heure tardive. Vers 17h, je m'arrête dans une petite ferme bien modeste et je demande si nous pourrions planter notre tente sur l'herbe.
Réponse : " Oui bien sûr, quelle question ! " En fait, la dame n'a pas dit ça, mais c'est ce que j'ai entendu. Sa réponse était si naturelle, cela sonnait comme une évidence...
Voilà tout ce qu'on risque à demander quelque chose !
On s'est installé, il a commencé à pleuvoir. Puis vers 9h du soir nous sommes allés prendre un herbal tea avec la famille. Il y avait la dame qui nous a ouvert, sa sœur jumelle, qui joue de l'accordéon, une de ses filles, monitrice d'équitation, et le mari qui joue du french fiddle (harmonica). Encore une belle rencontre.
Puis, la fatigue gagnant, nous sommes rentrés chez nous, sur l'herbe devant la maison. Nuit calme, bercés par la pluie...
Samedi 17 juin
Et le lendemain avant de repartir, re-tchatch avec le mari pendant qu'on bâtait nos mules. On a parlé du temps qu'il fait, de son ancien métier (mécanicien agricole), du métier de son père (forgeron). De religion aussi (catholique)...
Malgré la rudesse du parcours, nous sommes plutôt en avance. J'avais calculé le trajet sur une base de 42 km par jour, et nous en avons fait en moyenne 52 depuis le départ. On va donc pouvoir lever le pied, ou rallonger la promenade, ou les deux !
Aujourd'hui, nous décidons d'ajouter une boucle à notre itinéraire, et d'aller vers les Slieve League, deuxièmes falaises les plus hautes d'Irlande.
Nous laissons donc l'EV1 filer directement vers Ardara, tandis que nous nous dirigeons vers Killibegs, le plus grand port de pêche irlandais.
Killibegs
Autour de Killibegs, la route est passagère mais filante. Les montées se font sentir, mais au moins on peut se lâcher dans les descentes...
À Carrick, nous bifurquons vers Teelin, qui sera notre étape de ce soir. Comme il est tôt, nous installons la tente au camping et reprenons nos vélos pour une petite rando jusqu'aux Slieve League, ballade que nous finirons à pied pour cause de dénivelés impossibles.
Le temps tourne à l'orage. Au loin, dans la baie de Donegal, les averses se multiplient. Nous essayons de deviner leur trajet, sans grand succès. Des grondements se font entendre, sans qu'on puisse encore les situer.
Il faut rentrer. Nous parvenons tant bien que mal à passer entre les gouttes jusqu'au camping. Nous avons tout juste le temps de nous mettre au sec sous la tente quand l'orage éclate pour de bon.
Et quel orage ! Le tonnerre roule, les éclairs s'enchevêtrent, nous n'arrivons plus à compter pour estimer la distance. Soudain, éclair et claquement simultanés, suivi de crépitements, puis du roulement du tonnerre renvoyé par les hauteurs environnantes. Très impressionnant. C'est vraiment pas tombé loin... Et ça dure... Les coups de tonnerre se répondent, au quel claquera le plus fort. Le ciel se déverse, en douches furieuses que les rafales balayent...
Mais allongés bien au sec sous la tente qui tient bon, nous nous sentons en sécurité.
Dimanche 18 juin
Le temps est redevenu calme et nous plions la tente à peu près sèche.
Tiens au fait : avantage de notre nouvelle maison, quand elle n'est pas trop mouillée on peut plier les 3 morceaux (tapis de sol, chambre et double-toit) sans les désolidariser. Ça va beaucoup plus vite au remontage et Béatrice, qui était chargée d'accrocher la chambre, n'a plus rien à faire. La mort des p'tits boulots...
Pour ressortir de la presqu'île de Teelin, nous allons suivre les conseils qu'on nous a donné avant-hier : à Carrick prendre la L1125, qui passe par un petit col sans nom et redescend directement sur l'étonnante plage de Maghera.
La montée est sévère vers la fin, mais la récompense est là : petite route déserte paysage d'alpages et de falaises, et tout en bas, de l'autre coté du col, encadrée par les deux pans de montagnes, les dunes de la plage de Maghera. Pyrénées et Bretagne sur la même photo... Splendide !
La descente est savoureuse, d'autant qu'il n'est pas prudent de s'y laisser aller, à cause des moutons et des nids de poule. Alors les freins chauffent tandis que les yeux regardent...
Maghera est une étonnante langue de sable blond, qui vient presque fermer la baie (Loughros bay).
Plage de Maghera - grottes accessibles à marée basse
La véloroute, ça use...
Nous poursuivons la route jusqu'à Ardara, où nous rejoindrons l'EV1. En regardant sur la carte cette petite route serpentant le long de la baie, nous nous pensions tirés d'affaire... Mais à nouveau ce ne sont que montées brutales et dégringolades, par morceaux de 100 ou 200 mètres. Par moment, l'équation est impossible à résoudre : plus assez de vitesse pour tenir l'équilibre, il faut mettre pied à terre en catastrophe. Ça commence vraiment à bien faire...
À Ardara nous faisons la connaissance de Billy (Billy on the brink, sur Instagram). Ancien avocat d'affaire à Dublin, il est maintenant à la retraite et a entrepris un tour d'Irlande à vélo, au plus près des côtes, pour le compte d'une association caritative. Nous discutons un bon moment de nos voyages, de l'état des routes...
Lorsque les passants voient sur le vélo de Billy et sur son maillot la fleur de tournesol qui représente l'association pour laquelle il récolte des fonds, les porte-monnaies s'ouvrent ! Il a déjà récolté 24 000 euros... La charité en Irlande c'est quelque chose !
Et puis ici, tout le monde parle à tout le monde, comme si on se connaissait depuis toujours...
Billy a perçu notre fatigue. Il propose d'appeler le B&B où il fait étape ce soir pour savoir s'il reste une chambre. Chance : c'est oui. Un peu de confort devrait nous remonter le moral...
Nous en profitons pour changer nos plans.
Nous en avons un peu marre des routes irrégulières qui montent et qui descendent constamment, pour finir toujours au niveau de la mer. Certes, le tracé de l'EV1 fait ce qu'il peut pour nous épargner la circulation, mais c'est cher payé !
Bien sûr, on pourrait rester sur les grandes routes. Ça monte et ça descend aussi mais c'est plus régulier. Et surtout on peut profiter des descentes. On n'est pas obligé de freiner à cause des gravillons ou de maman brebis et sa petite famille qui ont élu domicile sur l'asphalte chauffé par le soleil.
Nous avons donc décidé de fausser compagnie à la véloroute EV1, en coupant directement par le Glenveagh National Park, dans les Bluestack Mountains, les plus haut sommets du Donegal (600 mètres).
Ça va peut-être monter aussi, mais c'est pas pareil : l'effort sera récompensé par les paysages, le paysage qui s'ouvre soudainement au franchissement du col... Et les kilomètres gratuits dans la descente qui suivra !
Ce soir je prépare de nouvelles traces que nous chargerons sur les GPS.
Lundi 19 juin
À Leitir, nous quittons l'EV1 pour prendre la petite route qui suit la rivière Gweebarra. La montée est douce, la route est bordée de maisons de pêcheurs ou de mobilhomes plus ou moins délabrés.
Il est midi quand nous arrivons à Doochary, petit village au croisement de deux routes. Il y a un " local shop ", un banc au soleil et un jardinier prêt à bavarder un peu. Conditions idéales pour s'arrêter et passer un bon moment.
Après Doochary, le décor change. Nous retrouvons cette ambiance alpestre si particulière : les pâturages coiffés de barres rocheuses, entrecoupés de torrents rechargés par les orages d'hier, qui tombent tout droit et viennent grossir la rivière. Au fond de la vallée, quelques bouquets de sapins cachent la présence de fermes où de maisons de vacance. Personne en vue. Pas de voitures. Calme total.
Nous arrivons au lac Gweebarra. Au fond, le col se dessine, et on devine sur la gauche la route qui grimpe. Encore quelques kilomètres d'efforts, puis ce sera la bascule de l'autre coté...
Mais une averse nous surprend au sommet du col. On ne s'attarde pas.
La descente est raide au départ, mais bientôt nous retrouvons une campagne plus bucolique, plus habitée. L'endroit n'étant pas touristique, nous savons qu'il n'y aura aucune solution d'hébergement. Dans ces cas-là, on fait le plein d'eau et on cherche un coin tranquille.
Voilà une petite plage au bord d'un lac (Gartan Lough) qui devrait faire notre affaire... En plus, le ciel se dégage et la soirée s'annonce magnifique. Il faudra juste se méfier des midges qui ne devraient pas tarder à passer à table !
Nous pensions être seuls au monde ce soir, mais ce ne fut pas tout à fait le cas. L'endroit est connu puisque nous avons eu la visite d'un nageur, qui venait de traverser le lac, d'un papa pêcheur et de ses enfants, puis deux petits groupes de collégiens venus faire des ricochets dans l'eau.
Tout ce petit monde est passé nous voir. Personne ne semblait étonné de notre présence... Quel beau pays !
La soirée est belle. Le soleil descend lentement. Il est presque 22 heures quand il disparaît derrière Glass Mountain. Mais les nuages vont briller encore longtemps...
D'ailleurs, il ne fait plus vraiment nuit ici en cette saison. L'heure bleue dure presque toute la nuit. Crépuscule et aube ne font plus qu'un. À 5 heures du matin il fait jour sous la tente. Somnoler, rêver les yeux ouverts encore pendant 2 heures, tandis que le soleil chauffe la tente... Que c'est bon !
Local shop à Doochary - 3 générations s'en occupent. Aujourd'hui, c'est au tour du petit-fils. Il est étudiant en kinésithérapie à Letterkenny et n'a pas cours.
Nicolas et Pimprenelle vous saluent !
L'estuaire de la rivière Gweebarra
Gartan Lough
Bivouac à Gartan Lough
Mardi 20 juin
Ce matin ça ne démarre pas vite. Nous prenons le petit déjeuner au bord du lac, parfaitement lisse. Les midges ne sont pas trop voraces. Nous voulons profiter encore un peu de ce chouette bivouac, le meilleur jusqu'à présent.
Mais il faut repartir.
La douce descente - quand même ponctuée de quelques bosses - se poursuit jusqu'à Ramelton où nous rejoignons la côte. À Rathmullan, nous traversons en ferry l'estuaire de la rivière Swilly.
Buncrana, en face, sera notre étape de ce soir. Nous avons réservé une grande chambre au Harbour Inn, un vrai hôtel, plutôt luxueux (surtout par rapport à hier). Nuit tout confort, pour un prix étonnamment modique... Et on va pouvoir se goinfrer au petit déjeuner !
Ramelton
Mercredi 21 juin
Le petit déjeuner a tenu ses promesses. L'aiguille du moralomètre est sur 100%. Nous sommes prêts !
Nous sommes dans la péninsule la plus au nord de l'île d'Irlande. Nous décidons de la traverser plutôt que d'en faire le tour. Une rivière à remonter, un petit col à passer, une belle descente... La recette est maintenant bien connue et très plaisante.
À Quickley's Point nous retrouvons la côte... Et l'EV1 !
Nous avons économisé une bonne centaines de kilomètres, et surtout nous avons eu le plaisir de rouler dans ces landes montagneuses, austères et tellement belles à nos yeux. Et puis ce bivouac avant hier ! On en redemande !
Rathmullan
Une île deux pays ?
Nous arrivons à Greencastle, au bord du Lough Foyle, et surtout au bout du bout de la république d'Irlande. De l'autre coté c'est l'Irlande du Nord.
Un petit passage en ferry et nous serons au pays du roi Charles...
Nous allons quitter avec nostalgie le Donegal, qui nous a vraiment enchanté.
Le Donegal, c'est l'Irlande dans l'Irlande : les petites routes bosselées, les collines verdoyantes, les pâturages austères, les moutons, les lacs, les rues colorées, les routes désertes dans l'intérieur... Tout y est ! (Il manque les tourbières)
Et surtout : les Irlandais y sont encore plus... Irlandais ! Encore plus chaleureux, plus bienveillants, plus attachants, plus insouciants...
On a l'impression que tout le monde connaît tout le monde. On est à l'aise partout !
Petit récap
- vendredi 16 juin - 54 km - Bundoran - Mountcharles
- samedi 17 juin - 46 km - Mountcharles - Teelin
- dimanche 18 juin - 30 km - Teelin - Ardara
- lundi 19 juin - 49 km - Ardara - ???
- mardi 20 juin - 37 km - ??? - Buncrana
- mercredi 21 juin - 54 km - Buncrana - Benone strand (Irlande du Nord)
1689 km
Quel régal ce récit merci, merci bonne suite on attend avec impatience .
RépondreSupprimerDes bises
Sylvie et Gerard
Oui , super récit, très belles photos, et les aquarelles!!!!
RépondreSupprimerL anonyme précédent c est anne marie qui vous embrasse
RépondreSupprimerMerci encore à vous pour ce récit de voyage et félicitations pour votre gestion de cette aventure…et la qualité d’écriture de ce carnet (ainsi que des aquarelles, mais je l’ai déjà dit ! 😊). Ça sent l’édition d’un futur livre illustré…que je ne manquerai pas de faire dédicacer 😉.
RépondreSupprimerÀ vous lire, je revis avec beaucoup de sensations rétrospectives ma balade moto. L’évocation des lieux (j’allais dire « communs » 😉) que j’ai également découvert au cours de mon voyage me ramène véritablement en Irlande bien qu’étant rentré depuis le 22 juin. Killybegs où j’ai passé une nuit, le ferry Rathmullan-Buncrana p.ex.
J’ai juste fait le tour de la péninsule d’Inishowen pour « boucler » le Wild Atlantic Way.
J’ai également oublié de vous remercier d’avoir mentionné notre rencontre et cette très sympathique soirée en B&B 😊
Je vous souhaite évidemment une magnifique poursuite de votre périple sur les pistes islandaises. Have fun, take care.
Ronan
Que c'est agréable de vous lire, de vous suivre et de vivre ces moments forts. Bravo !
RépondreSupprimerSylvie
Toujours autant de plaisir à lire le récit et admirer les photos et dessins.
RépondreSupprimerBonne continuation
Isabelle
Merci les voisins !!! le plaisir à vous lire 👍 j'y suis presque ou bien j'y vais bientôt ..... Paul
RépondreSupprimerquel talent d'écriture illustré par ce beau carnet de Béatrice, merci pour ce blog, on est avec vous et on savoure chaque moment. En vous lisant mes cuisses me font mal mais en même temps je visualise parfaitement la quiétude des lieux et des belles rencontres.
RépondreSupprimervite vite la suite :)
profitez bien à très vite
Emilie L.
Bises décarbonnées d'un impatient !
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