(Merci Béatrice pour le titre - vous comprendrez plus tard...)
Une île deux pays ? (suite)
Un petit passage en ferry et puis voilà : nous ne sommes plus en Europe. Du moins plus dans l'Europe politique. (Soit dit en passant, nous n'avons jamais eu à sortir nos passeports...)
Nous autres continentaux, on se dit : mais qu'attendent les irlandais pour réunifier leur île ? Juridiquement, tout est prêt. Les accords de 1998 - dits du vendredi saint - prévoient que si les irlandais du nord décident d'intégrer la république d'Irlande, leur volonté sera respectée, tant par la république d'Irlande que par le Royaume-Uni. Mais les irlandais du nord ne se décident pas. Et personne n'a l'air pressé d'organiser un référendum...
L'Irlande du nord reste attachée culturellement au Royaume-Uni, mais dispose de son propre parlement, de sa propre monnaie (nos billets nord-irlandais seront parfois refusés en Écosse...).
Et on va s'apercevoir au cours des prochains jours que les différences ne sont pas que politiques. L'ambiance n'est plus la même. Finies la joie de vivre, la convivialité naturelle des irlandais.
Dans les magasins, c'est un peu la douche froide. Les sourires sont plus rares, les échanges moins décontractés. Nous sommes redevenus des étrangers.
Bonjour l'ambiance
Nous venons de débarquer du ferry. Au débarcadère, il n'y a rien. Le temps est gris et humide. La route est rectiligne et plate (pour une fois). Elle traverse un terrain militaire. A droite et à gauche, des clôtures barbelées. Puis c'est une gigantesque prison que nous longeons (prison de Maggilligan).
Un peu plus loin, le camping de Benone Strand où nous nous arrêtons est une véritable ville. Il y a le quartier des mobil-homes, celui des caravanes, puis celui des camping-cars. Il est quasi-désert en ce moment.
Pas d'emplacements spécifiques pour les campeurs comme nous, mais il y a du beau gazon partout. Au moins nous avons de la place.
Ce soir, les grains s'enchaînent et les midges se déchainent. Nous profitons d'une accalmie pour essayer de rejoindre la plage, mais la " ville " est ceinturée de grillage. Même pas une petite porte pour rejoindre directement le bord de mer.
On verra ça demain...
Jeudi 22 juin
Game of thrones
Ce matin, temps clair, vent frais et beau soleil. Une belle journée s'annonce.
En partant, petit détour vers la plage de Benone que nous n'avons pas pu atteindre hier soir. Grande et belle plage. Le sable y est si dur qu'on peut y circuler en voiture.
Après la plage de Downhill, la route se décide à grimper sur la falaise. Nous retrouvons les creux et les bosses des routes irlandaises. Ça au moins ça ne change pas...
Nous nous arrêtons à Downhill House, ruines d'un chateau du 18ème siècle, avec, un plus loin sur le bord de la falaise, une petite rotonde : le temple de Mussenden.
Ces constructions de style classique italien semblent totalement incongrues dans ce décor de falaises et de prairies en courant d'air. Le caprice d'un riche personnage qui a réussi dans la vie ?
En tout cas, on voit ce que devient une construction, même assez récente, lorsqu'elle est abandonnée...
Cet endroit et la plage en contrebas ont servi de décor à la série Game of Thrones.

22/06/2023 - Irlande du Nord - Downhill House (ruines)
Le temple de Mussenden - près de Downhill House
La plage de Downhill
Game of Thrones
Jachère fleurie dans la petite ville de Coleraine
Dunluce castle
La chaussée des géants
Nous arrivons à Bushmills, d'où partent les visites vers Giant's Causeway - la chaussée des géants - à 3 km de là.
La
Chaussée des Géants est une coulée de lave ayant pris la forme de colonnes basaltiques prismatiques érodées par la mer, le plus souvent hexagonales. Si vous voulez tout savoir sur ce phénomène naturel, la
page Wikipedia attend votre visite...
C'est LE spot touristique immanquable de l'Irlande du Nord.
Pour nous, c'est d'abord une victoire, une première réussite : on y est venus à la force des cuisses, et c'était pas donné : 1800 km et 16000 mètres de dénivelé. Mais la récompense vaut largement la dépense en calories : les images plein la tête, les rencontres, la gentillesse, la chaleur humaine... S'il n'y avait ce projet d'Islande qui nous tient à coeur, nous serions déjà content de rentrer chez nous...

22/06/2023 - La chaussée des géants

22/06/2023 - Giant's Causeway - Amphithéâtre et cheminée
Cet après-midi le temps est magnifique. Nous posons nos affaires à l'auberge de jeunesse de Bushmills. Nous attendons que les cars de touristes soit repartis avant de reprendre nos vélos pour faire les 3 derniers kilomètres.
Le visitor's center est sur le point de fermer, les groupes de touristes sont sur le départ, la soirée est belle... Conditions idéales pour savourer ce site grandiose et énigmatique.
Au milieu de la baie, un phoque vient respirer toutes les 5 minutes. Il est dans son monde à lui, totalement ignoré des touristes qui ne l'ont pas remarqué.
Lilliputiens sous les pas des géants
Qui veut jouer à la marelle ?
Vendredi 23 juin
S'il y a un point sur lequel les unionistes et les républicains s'accordent, c'est sur le profil des routes : Au sud comme au nord, on connaît la ligne droite mais pas l'horizontale...
Ce matin nous avons le choix entre la grande route qui coupe par l'intérieur des terres, ou la véloroute 93, censée contourner les reliefs en passant plus près de la côte. J'ai bien dit censée.
On se dit : " Bon. On est bien reposé, on n'est pas pressés. La véloroute, c'est étudié pour les vélos, ça va être joli, allons-y ! ".
Et en effet, entre Ballivoy et Ballycastle (Antrim), la route est quasi-déserte, elle surplombe la côte et serpente entre les pâturages. C'est tout comme on aime !
Petit indice qui aurait dû éveiller notre méfiance : un panneau " route déconseillée aux camping-cars "...
J'atteins ce que je crois être le sommet en compagnie d'un cycliste australien en vélo électrique. Sur la pente à 10%, il me fait la conversation comme si nous étions au salon en train de prendre un thé, alors que je pousse comme un galérien sur mes pédales... J'essaie de ne pas suffoquer.
Puis, en attendant Béatrice, je regarde au loin mon compagnon australien qui a pris le large avancer sans effort... Ce que je n'ai pas vu, c'est qu'entre moi et lui il y a un col à l'envers : la route dégringole presque au niveau de la mer avant de rebondir sur la crête suivante.
Et la pente moyenne est à plus de 10%, ce qui veut dire des rampes à 15 ou 20% par endroit. Je pousse - ou plutôt je hisse - Rouletabille jusqu'à un replat, puis je redescends chercher Béatrice. Et ça recommence jusqu'au replat suivant... Puis ça re-dégringole encore jusqu'au fond, puis ça rebondit à nouveau...
1000 mètres de dénivelé en 50 km... Pour se retrouver à la fin au niveau de la mer !
Où est le crâne d'oeuf qui a décidé de faire passer une véloroute dans un endroit pareil ? J'ai deux mots à lui dire...
Autre point sur lequel unionistes et républicains se rassemblent : la rareté des hébergements en dehors des spots touristiques et des plages.
À Buschendun (en bas de la dernière dégringolade, donc, si vous avez suivi), le Caravan Park. Comme son nom l'indique, il n'accepte que les caravanes et les campings-cars. Même pas un petit coin d'herbe pour deux cyclistes exténués. Il préfère les gros machins qui vont lui refiler leurs eaux usées et pomper 150 litres d'eau propre, alors que pour le même prix il pouvait avoir deux cyclistes qui auraient juste pris une douche, tirés la chasse d'eau et remplis leurs gourdes. C'est son problème...
Le nôtre, c'est de trouver où dormir ce soir. Si possible pas trop loin parce qu'on est quand même un peu fatigués. Je demande un peu partout dans le village. Cet hôtel là-bas ? Ce n'est plus un hôtel. Cette jolie aire de camping-car au bord de l'eau ? Allez voir ailleurs...
Une dame plus compatissante nous indique un endroit au bord de la route où elle a déja vu des campeurs. On ne le trouvera que le lendemain matin...
Ce soir, ce sera donc le plan B comme bivouac : plein d'eau à la supérette, et recherche d'un coin accueillant. On ne sera pas exigeant, il est déjà plus de 6 heures et le temps vire à la pluie.
Nous choisissons un pré au bord de la route et nous plantons la tente juste derrière la haie, à l'abri des regards. C'est amusant de penser que des voitures passent à 60 miles à l'heure à 3 mètres de nous, sans savoir que deux hurluberlus sont bien au chaud, planqués dans leur 4 mètres carrés de toile, à écouter la pluie...
Le sommet... Je crois que c'est fini mai en fait pas du tout
Route 93
Route 93 - dernière dégringolade
Bivouac - Séraphine et Rouletabille à l'herbe, le soir
Plan B comme bivouac
Le lendemain matin, à la ville suivante, c'est café-toilettes. Ça fait partie du plan bivouac.
Un corner shop. Un genre de bazar où on trouve de tout. Une institution.
Larne à l'œil
Samedi 24 juin
Nous y voilà...
Larne, c'est la ville où nous prendrons le ferry pour passer en Écosse. Si tout va bien nous y serons ce soir.
Et tout va bien, car la route aujourd'hui est quasiment plate jusqu'à Larne. 40 km de plat d'un seul coup. Du jamais vu ! Pour une fois une route côtière est vraiment côtière, très jolie en plus... Des kilomètres quasiment gratuit !
Larne à l'œil, quoi...
D'ailleurs, on croise des pelotons serrés de cyclistes. 30 ou 40 vélos à chaque fois. C'est bien la première fois qu'on en voit autant. À croire que c'est la seule portion plate de tout le pays.
Mais Larne, c'est aussi le point final de notre trajet irlandais. Nous allons quitter ce pays si attachant, même si l'ambiance moins décontractée de l'Ulster atténue un peu notre nostalgie.
Larme à l'œil, donc...
Titanic city
Bien qu'ayant raccourci nos étapes, nous sommes toujours très en avance. Nous allons donc nous attarder un peu et visiter Belfast.
Cette fois, c'est le plan T comme train : trouver un camping près d'une gare, y laisser nos affaires et faire un aller-retour en train. C'est un procédé que nous avons initié l'an dernier en Allemagne.
Nous nous installons donc pour deux jours à Larne.
Dimanche 25 juin
Pour nous, Belfast évoque la guerre civile, le difficile chemin vers la paix accompli par les irlandais. C'est aussi une ville industrielle, marquée par le capitalisme débridé du 19eme et du 20eme siècle. La marque de la domination anglaise sur le reste de l'Irlande. Presqu'une ville coloniale.
Mais c'est aussi la ville où fut construit le Titanic.
Belfast se devait donc de lui rendre un hommage à sa (dé)mesure : un centre d'exposition lui est dédié, logé dans un bâtiment aux angles vifs, qui évoque à la fois la coque du navire et l'iceberg qui l'a déchirée.
Le musée Titanic Belfast
L'exposition s'efforce de remettre cette épopée dans son contexte, dans son écosysteme comme on dirait aujourd'hui : l'ambiance de la ville au 19ème siècle, la vie sociale dans et autour des chantiers navals.
Folle aventure industrielle, péché d'orgueil, capitalisme sans complexes, risques insensés, classe ouvrière exploitée, conditions de vie épouvantables, drames humains... Tout y est.
Le parcours de l'exposition est une immersion dans la Belfast industrieuse de la fin du 19ème siècle : la ville, ses activités, sa société, les chantiers navals gigantesques, et cette formidable machine qu'était le Titanic. Toute cette énergie, cette intelligence, cette science triomphante... Les plans à l'échelle 1/1 sur le sol, les difficultés surmontées, les bielles gigantesques, les immenses chaudières, la coque d'acier et ses centaines de milliers de rivets, tous martelés un par un, à main d'homme, les cabines luxueuses, les décors de palace...
Réussite totale. Fierté des bâtisseurs de cathédrale...
Et puis le naufrage, bien sûr...
Tout accident, est un enchaînement de causes. Dans le cas du Titanic : des icebergs qui n'auraient pas dû être là, un capitaine trop pressé, une vigie qui n'avait pas de jumelles, un bateau qui n'est pas venu au secours parce que son radio dormait, des canots en nombre insuffisants...
Dans la salle qui évoque le naufrage, il y a la retranscription des derniers messages en morse, entre le Titanic et les bateaux aux alentours. On devine l'incompréhension, l'incrédulité, presque jusqu'aux dernières minutes. J'en avais la gorge serrée.
A la fin de la visite, la liste des 1513 victimes sur un mur. Beaucoup s'y attardent, cherchent un nom connu, quelque chose qui les relierait à ce drame, comme si c'était arrivé hier... On l'a fait aussi.
Une visite vraiment émouvante.
Les murs de Belfast
Belfast est célèbre aussi pour les murals des quartiers populaires, à l'ouest de la ville.
Aux extrémités des rues de petites maisons de brique rouge, les pignons sont ornés de grandes fresques dans lesquelles s'affichent les souvenirs de la guerre civile, mais aussi des thèmes plus consensuels, les aspirations, l'identité culturelles des habitants.
C'est peut-être une manière de sublimer les déchirements anciens, en évitant les sujets qui fâchent...
Il y a les quartiers catholiques et les quartiers protestants. Nous parcourons le quartier protestant de Shankhill. Des gamins effrontés me balancent une bombe à eau. Elle n'a pas éclaté. Tout un symbole...
Cette fois ça y'est...
Lundi 26 juin
Nous quittons Larne et l'Irlande pour Cairnyan, sur la côte occidentale de l'Écosse, au sud de Glasgow.
Deux heures de ferry. Sur le bateau nous repensons à tous ces moments uniques, vécus en si peu de temps. On peine déjà à les garder en mémoire.
Il y a un peu plus d'un mois, c'était le départ, les premiers coups de pédale. C'est si loin ! En voyage, surtout à vélo, les jours se comptent en semaines et les mois en années...
Je le redis : si nous devions interrompre ce voyage maintenant, nous ne ressentirions pas la frustration de l'an dernier. La Belgique, la Hollande, l'Allemagne, c'est propre, c'est beau, c'est confortable, ce sont des paradis pour le vélo...
Mais l'Irlande, c'est magique !
Surtout, ne lâchez rien !
RépondreSupprimerVous voici donc au pays des lochs... belle progression, belles images pour une belle plume et un joli coup de pinceau ! Vous allez y arriver, à nous tirer la larne de l'oeil !!
RépondreSupprimerBise à vous deux,
Jacques
Beaux paysages, Belles photos, Superbes aquarelles ... et Belles parties de manivelles
RépondreSupprimerBises a vous
Jmi&mumu